J’ai mentionné dans mon article « Planifier la relève : Un impératif stratégique » que le fait de traiter la planification de la relève de façon préventive et réfléchie minimise le chaos généré par l’imprévisible et l’incontrôlable et permet la transition en douceur du leadership de l’entreprise dans son ensemble. Bien que la planification de la relève de tous les dirigeants du Trio pivot du leadershipMD (conseil d’administration, PDG/chef de la direction et comité de direction) doit être abordée, le défi le plus important demeure la planification de la relève pour le directeur général et le chef de direction (que je réduirai à l’appellation PDG dans ce billet). Hélas, cette étape nécessaire et trop souvent reportée en raison de l’aspect épineux inhérent à tout transfert de pouvoir est comme « avoir un éléphant au milieu de la salle du conseil ».
Dans mon rôle de soutien auprès du directeur général, de mentor en gestion auprès des dirigeants et de confidente auprès du conseil, je suis le catalyseur permettant à la vérité de faire surface et de réaliser que l’éléphant existe vraiment, qu’il est indésirable et qu’on doit le retirer définitivement. J’encourage vivement les leaders avec lesquels je travaille à ne pas reporter la mise en place d’un plan de relève soigneusement élaboré pour les PDG, et idéalement pour l’ensemble du PLT. S’il n’est pas facile pour un conseil (de petite ou de grande taille) de s’unir pour rédiger un plan de relève, le défi de s’entendre sur le processus de recrutement d’un chef de direction est encore plus grand lorsqu’on est pris au dépourvu, qu’on doit recourir à un leadership intérimaire, et qu’on doit faire preuve d’un « savoir-faire » irréprochable afin de réduire les disparités aux différents paliers de direction.
Le plan de relève du PDG comprend le régime de retraite de cadre, sans s’y limiter (comme dans les cas de IBM et de Microsoft, par exemple), la conduite malsaine à la tête d’une société (voir Hewlett-Packard Co.) et les circonstances inattendues ou tragiques (comme la mort de Steve Jobs, directeur général chez Apple, et de Dave Goldberg, directeur général chez SurveyMonkey).
Le 14 juillet 2013, Steve Ballmer, alors chef de la direction chez Microsoft, a déclaré dans un article du Business Insider : « Notre conseil d’administration a toujours un plan de relève. »
Quelques mois plus tard, le 25 septembre 2013, la revue Forbes publiait : « Microsoft n’avait pas de plan de relève pour le chef de direction… Ballmer et un conseil d’administration incluant Bill Gates, le fondateur de Microsoft, ont pourtant eu plus d’une décennie pour développer un plan de relève, pourtant l’une de leurs responsabilités les plus fondamentales de la gouvernance d’une entreprise. »
En 2013, Microsoft était 35e sur la liste Fortune 100. Peu importe s’il a été prouvé que l’entreprise avait un plan de relève ou qu’elle n’en avait pas, le doute et l’incertitude demeurent à cet égard et, effectivement, Microsoft a accepté un risque inutile en négligeant, semble-t-il, de remédier à une situation contrôlable. De nos jours, quels que soient la taille ou le type de l’entreprise, on ne peut éviter la planification d’un plan de relève pour le chef de la direction. Il doit y avoir un processus normatif et bien structuré, compte tenu de la difficulté de réussir à bâtir, à développer et à maintenir le fonctionnement d’une société. Les emplois, les salaires et parfois les prestations de retraite des employés reposent sur un leadership organisationnel bien structuré. Si vous gardez à l’esprit qu’en un instant, des changements dramatiques et inattendus peuvent survenir, il apparaît évident que le conseil ne peut se permettre de retarder la mise en place de cette pratique importante.
La planification de la relève du PDG est incontestablement le devoir du conseil d’administration, puisque l’une des plus importantes responsabilités du conseil est de désigner et de recruter le PDG. Le conseil d’administration et ses membres considèrent que l’omission ou le manque de clarté du plan de relève est une violation des principes fondamentaux de bonne gouvernance. Une véritable transparence des dirigeants devant le conseil (y compris du chef de direction), un bon jugement et une intelligence émotionnelle ferme sont les éléments clés pour veiller à ce que le conseil ne soit pas pris au dépourvu, risquant indûment la réussite de la société et de son leadership.
L’absence d’un plan de relève pour le PDG est un état de vulnérabilité qui peut sérieusement nuire à l’entreprise et saper la confiance des employés, des clients, de tous les partenaires stratégiques et des intervenants, et éventuellement éroder la valeur des actionnaires ainsi que la perception et la fidélité à la marque. Cette vulnérabilité est inutile et évitable, puisque la création d’un plan de relève pour le PDG est la chose à faire — et mieux vaut tôt que tard. Aucune pression légale ou réglementaire ne devrait être requise. Avoir un plan est une question de bon sens.
Pourquoi la planification de la relève du PDG est-elle remise à plus tard?
Selon la NACD’s Critical Issues for Board Focus, la planification de la relève du PDG et de l’équipe de direction est une autre question de gouvernance adressée aux conseils d’administration pour 2015. Malheureusement, il n’y a que très peu de conseils d’administration qui ont un plan de relève pour le PDG et pour les leaders clés au sein du conseil et de l’équipe de direction.
Au cours des années, j’ai vécu des situations avec des clients, où des PDG d’entreprises privées et publiques et des chefs de direction d’organismes à but non lucratif devaient être remplacés pour diverses raisons. C’était une expérience extrêmement stressante pour toutes les parties concernées et profondément troublante pour l’esprit, la dynamique et la culture de l’entreprise, lorsqu’il n’y avait aucun plan de relève prévu à cet effet. Une situation, aussi chargée d’incertitude, crée un inconfort à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation et augmente inutilement le niveau de réaction à la crise qui existe déjà et qui aurait pu être réglée aisément.
La planification de la relève devient un « éléphant » parce qu’il s’agit d’êtres humains, réunis dans une salle de conférences, qui doivent tenir compte du fait que les PDG ne sont pas irremplaçables.
Le plus souvent, les conseils perçoivent « le remplacement » des PDG comme une tâche intimidante et, lorsque ce n’est pas nécessaire, le conseil préférerait assurément ne pas avoir à s’en occuper, reportant cette question qui devient de plus en plus difficile avec le temps. Les PDG, n’étant pas très enthousiastes à l’idée d’être remplacés et se sentant menacés par la perspective d’un plan de relève, en font parfois une affaire personnelle. L’éléphant devient menaçant quand le conseil perçoit cette planification comme une source potentielle de confrontation avec le PDG. Mais ultimement, le conseil et le PDG doivent avoir suffisamment de sagesse et de maturité pour faire ce qui doit être fait, sans se sentir visés, et gérer la réalité avec objectivité.
La responsabilité du conseil : Une saine gouvernance et un jugement exemplaire
Imaginez quelles seraient les conséquences de ne pas avoir un plan de relève clairement établi pour les PDG — et aucun plan de remplacement à l’interne.
Il y a des coûts importants et des coûts d’occasions perdues associés au manque de planification de la relève des PDG de même que pour tout rôle clé au sein du PLT. Ne les mésestimez pas.
Des réactions en chaîne peuvent créer des bouleversements sérieux et inutiles au sein du conseil, de même que des bouleversements et de la confusion au sein de la direction, paralysant ainsi la productivité à tous les niveaux de l’organisation et affaiblissant le réseau des ventes — ce qui affecte la dynamique, la culture organisationnelle et la croissance. L’équipe de direction et le conseil d’administration ainsi que plusieurs cadres hiérarchiques s’avèrent indûment tendus et stressés, soumis aux examens et aux critiques de l’interne et de l’externe. Une organisation qui doit lutter pour réagir au départ d’un PDG risque de perdre les dirigeants les plus performants à tous les niveaux de l’organisation. Les coûts qu’entraîne la recherche « sur-le-champ » d’un nouveau PDG sont en général élevés et peuvent inclure des indemnités de départ assez lourdes, des frais juridiques et d’embauche non budgétisés et des réunions d’urgence du conseil d’administration.
Tous peuvent comprendre la situation fragile et instable dans laquelle se trouve une entreprise si elle n’a pas de plan de relève convenable pour le PDG. Engageons-nous et soyons conscients de l’urgence de posséder un plan de relève pour les leaders clés du PLT, particulièrement les PDG.
La planification de la relève n’a pas besoin d’être un éléphant dans la salle de conférences.
Leave a Reply